mardi 1 juillet 2014

Supplique aux juges "de" Vincent Lambert








Mesdames et Messieurs les Juges,

Permettez-moi de m'adresser à vous. Je suis atteinte de handicap. Mais ma vie est une action de grâce, je suis entourée de l'amour fraternel et de la prière. Je ne suis pas seule à être dans ce cas.

Alors, sans aucun pouvoir, ni ambitions ou raisons politiques, je voudrais simplement, Mesdames et Messieurs les Juges, incitée à cela par ma seule conscience, oser vous parler coeur à coeur.

Vincent Lambert est mon frère. C'est à ce titre que je vous écris. Pour vous le présenter. C'est un être humain, une personne humaine, possédant une infinie dignité que nul n'a pu lui enlever.
Cette dignité ne dépend pas de sa capacité à manifester ou non sa compréhension, ses désirs ou ses choix. Cette dignité ne dépend pas de sa capacité à s'alimenter ou à s'hydrater tout seul. Cette dignité ne dépend pas non plus de l'état de ses sphincters. Il a une dignité aussi grande que celle de n'importe lequel des hommes.

Je n'ai certes pas besoin de souligner que notre frère n'a rien fait de mal. D'ailleurs, en France, la peine de mort a été abolie. Risque-t-elle d'être réintroduite pour mon frère Vincent ?

Que ce soit des médecins qui veuillent le tuer - s'octroyant non seulement un pouvoir exorbitant mais aussi un droit qui ne leur appartient pas, sur la vie et la mort d'autrui, tels les médecins maudits des nazis - cela c'est la mort de la confiance en eux. Car alors la confiance du malade ne rencontre plus la conscience du médecin.

Mais que des médecins fassent pression sur des juges (et pour des considérations politiques) – c'est indigne ! A quelles complicités de meurtre d'un innocent voudraient-ils donc vous réduire vous-mêmes, Mesdames, Messieurs les Juges ?

La dignité d'une vie, elle dépend de ce que l'on en fait. Et de rien d'autre. Or, vouloir la mort de son patient, faire pression sur des juges en vue de tenter de les priver de leur autonomie spirituelle devant leur conscience, n'est-ce pas cela qui est indigne d'un homme - et ce, quelle que soit l'autonomie de son corps ?

Que l'on vous rapporte des hypothétiques propos de Vincent, évoquant le fait qu'il n'aimerait pas vivre tétraplégique, ne signifie pas pour autant qu'il voudrait qu'on le tue le cas échéant. Qui aimerait vivre tétraplégique ? Tout le monde aimerait mieux vivre autonome. Mais les accidentés tétraplégiques, qui vivent malgré leur handicap, ne vous demandent pas pour autant la mort.
Et que peuvent ressentir les personnes handicapées, dépendantes, partout dans le monde, devant ce débat indigne cherchant à envoyer froidement à la mort l'un de leurs frères ?

De plus, à quel genre de mort est promis Vincent ? Ce n'est pas la guillotine. Ce n'est même pas le coup de grâce d'une balle en plein coeur - au besoin avec un silencieux pour ne pas gêner les voisins. Celles-là seraient des morts clémentes à côté de l'agonie qui l'attend si ses futurs tueurs arrivent à vous convaincre.

Ce qu'on promet à Vincent - si vous laissez faire, Mesdames, Messieurs les Juges - c'est l'une des morts les plus atroces, la mort par déshydratation, la mort que destinaient à leurs prisonniers les nazis, dans le bunker de la faim et de la soif d'Auschwitz.

Certes, mourir n'est jamais drôle. Mais en l'espèce c'est par violence, par contrainte sur personne vulnérable, que la vie lui serait ôtée.

Finalement, où allons-nous si la famille et, surtout d'après la loi Leonetti, des médecins, "collégialement" (ce qui n'enlève pas la responsabilité personnelle de chacun !), peuvent se mettre à décider de votre mort ?
Que deviendront les personnes dépendantes si un tiers peut décider pour elles qu'elles mériteront la peine de mort ?

Il devient courant de désigner les parents de Vincent comme des "catholiques traditionnels", pour les disqualifier à vos yeux, comme si leur légitime désir de garder en vie leur fils leur venait de l'influence d'un petit nombre de catholiques. Or, si toute la tradition de l'Eglise va dans le sens de la sauvegarde de la vie des personnes vulnérables, les Papes qui ont suivi le concile Vatican II appellent tous à ce même respect de la vie. Surtout celle de personnes incapables de plaider pour elles-mêmes.

Des écrits pontificaux récents ont précisé l'interdiction formelle de retirer l'hydratation et l'alimentation artificielles, même pour des patients en coma végétatif permanent. Les parents de Vincent bénéficient donc du soutien spirituel de tous les catholiques voulant vivre en vérité leur foi.

De plus, de la Déclaration commune du Cardinal André Vingt-Trois, Archevêque de Paris et du Rabbin David MESSAS Grand Rabbin de Paris en 2007, il appert que catholicisme et judaïsme, plaident pour le maintien de l'hydratation, et l'islam semble aller dans le même sens.

Mesdames et Messieurs les Juges, je suis certaine que votre conscience parlera haut et fort car vous méritez mieux que d'être associés à ces crimes.

Notre frère handicapé, Vincent, n'est pas enfin de vie ; Vincent n'a pas de souffrance rebelle ; Vincent n'a pas demandé à mourir de soif ; les parents de Vincent l'aiment et pourraient le faire soigner ailleurs (si Reims ne s'y opposait pas comme si Vincent était la propriété de l'hôpital ou des médecins).
La vie de Vincent, par ce qu'elle est, est précieuse pour eux et pour nous tous. Elle valorise la France qui la lui rend possible.

Vous remerciant de votre attention, je vous prie d'agréer, Mesdames et Messieurs les Juges,
l'assurance de mon dévouement priant, pour vous et pour la France,

une chrétienne handicapée

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