Au fait : faut-il jeûner ou non ?
Cela dépend : il y a jeûne et jeûne.
Parce qu'il y a le jeûne hygiénique, le jeûne esthétique, le
jeûne sportif, le jeûne artistique, le jeûne par obligation
professionnelle, le jeûne par obligation religieuse, le jeûne
ascétique. Evidemment, il y a aussi le jeûne spirituel... mais
chut...
Donc il y a le jeûne hygiénique, ou
médical, c’est pour nettoyer nos pauvres organismes
des toxines que notre alimentation superbe y aura accumulées ; c’est
le propre d’une société de surconsommation, de suralimentation,
de surcharge pondérale, de surcharge émotionnelle, de surcharge
d’informations, bref : une société qui se noie, lestée par
toutes les surcharges qu’elle accumule.
Il y a le jeûne esthétique, pour
maigrir, pour plaire, pour répondre à un canon de beauté
absurde
mais qui rapporte une fortune à ceux qui le promeuvent. Pour être
"belle"?
Hmm...des
goûts et des couleurs...
Il y a le jeûne des sportifs, des artistes, des danseuses mais
pas seulement elles, en vue d'une réussite professionnelle accrue.
Il y a bien sûr le jeûne ascétique, dans certaines
cultures philosophiques ou spiritualistes, pour détacher l’esprit
des convoitises qui le maintiennent en esclavage. Alors là il s'agit de jeûner pas seulement de nourriture mais
aussi de l'hyperactivité professionnelle ou bénévole, du besoin de
tout quantifier (y compris le bien que nous pensons "faire"),
de nous rassurer par un agenda plein. On peut toujours jeûner
de nourriture, de la télévision, des plaisirs futiles, de
l’internet, bref : de tout ce dont nous sommes esclaves, mais
il y a aussi le jeûne des sens, la garde des sens, du regard, du
cœur, de l’imagination, des pensées, par divers moyens ascétiques
comme des mantras dans certaines religions, la prière du coeur ou
les invocations dans d'autres. De toute notre agitation, il peut
convenir quelquefois de prendre du jeûne, donc du repos en vue de la
libération de l'esprit.
Le but du jeûne spirituel est de mieux goûter Dieu
et sa Parole dans les religions révélées pour jeûner non
seulement du péché mais encore des occasions de péché et de nous
ouvrir à Dieu, nous ouvrir à l’Amour de Dieu.
Mais a-t-on jamais entendu quelqu’un
se proposer de jeûner de Dieu, de jeûner de prière, de
jeûner d’aimer ? Jamais. Au
contraire, tous les autres jeûnes sont en vue de nous
approcher de Lui, de L’aimer. Et
si l'on jeûne d'autres choses, c'est pour se trouver dans la
Vie de Dieu.
"Si vous ne mangez pas ce
Pain, vous n'aurez pas la Vie en vous". Alors pourquoi
devrait-on jeûner du Pain Vivant ?
A-t-on jamais entendu demander
à un pauvre du tiers-monde ou du quart-monde dont toute
l’alimentation se compose d’un seul repas d’un seul plat, de
jeûner ? surtout quand ce "plat" n’est autre qu’un peu
de pain ?
Et faire jeûner notre pauvre âme du
Pain quotidien ?
Parler du
jeûne eucharistique comme s'il consisterait à
ne pas s’approcher du sacrement de l’Eucharistie pour en avoir
davantage faim après
est un sens torve destiné à cacher la nonchalance de ceux qui
n'ont
tout simplement pas envie, voire la flemme, d’aller la célébrer
dans leur église.
En vérité, au sens propre, originel, le jeûne eucharistique
signifie que pendant un certain temps (actuellement une heure) avant
la communion, on ne prend aucune nourriture terrestre et on ne boit
que de l’eau. C’est cela le jeûne eucharistique. Ce n’est donc
pas de jeûner
de l’Eucharistie elle-même mais de jeuner de
nourriture terrestre
pour l'Eucharistie, pour se préparer à
l’Eucharistie.
Et ne voilà-t'y pas que maintenant, le terme jeûne
eucharistique, il y en a qui ont l'aplomb de l’employer pour
signifier la
privation
de l’Eucharistie, soi-disant pour en avoir faim. En réalité, pour
s'habituer à s'en passer, à ne plus en avoir faim.
Ah ! mais de l’Eucharistie, on a faim et soif. La preuve en est,
c’est qu’on se lève et on va jusqu’à l’église. On se
déplace. On ne la commande pas encore au s
upermarché.
Au contraire, on se fait pauvre comme un mendiant.
Un mendiant qui attend le pain, allez-vous lui demander de faire
un jeûne de pain ?
Toi, mon frère prêtre, fais donc ton examen de conscience. Il
n’y a pas de Messe le lundi ? Alors, ne mange rien le lundi.
Tu ne le peux pas ?
Alors : pourquoi, toi, serviteur - ministre! - ne Le sers-tu pas,
aux âmes comme Il te l'a ordonné ?
Ouvre les yeux et vois le peuple de Dieu mourir délaissé,
abandonné dans les campagnes, isolé un à un dans des maisons de
retraites « laïques » où tu vas à peine !
Les Messes des autres jours en semaine, tu ne les dis pas pour
tout le peuple, autrement tu la dirais le soir. Non, tu l'expédies à
9h du matin, te plaignant qu'il n'y a personne si ce n'est quelques
têtes blanches (comme si c'était un crime qu'ils tiennent fidèles
jusqu'à la fin ? Tremble plutôt pour toi !). Tu ne vois
pas que c'est toi qui prives toute la tranche d'âge active (et les
enfants ou encore les lycéens qui, après leur confirmation, iraient
peut-être s'il y avait où)
de
la possibilité même d'aller à la Messe.
Vois : celui qui est fatigué de Dieu et qui revendique de
"se reposer" hors de Lui, ce n’est pas le peuple de Dieu.
Non : celui qui est nanti et surchargé, c'est toi, "serviteur
paresseux, qui affames et
maltraites
tes compagnons", toi qui veux cesser à ta guise de servir le pauvre,
toi qui possèdes le pouvoir de nourrir mais n’en uses pas.
Es-tu devenu écoeuré de Dieu ?
Au sens propre et figuré : sans coeur ... ?